Messel (49,83° de latitude nord, 30km au sud de Francfort) à l’Eocène se trouve à 40° de latitude nord et bénéficie d’un climat tropical.
Suite à une remontée de magma, se produit une éruption ou une explosion au contact d’une nappe phréatique avec création d’un cratère de 300 m de profondeur qui progressivement se transforme en lac de 1,5 km de diamètre.
Aujourd’hui, deux hypothèses prévalent pour expliquer la mortalité massive d’animaux aux alentours de -47MA (lutétien) : empoisonnement régulier des eaux du lac par une toxine, de type microcystine, synthétisée par des cyanobactéries entraînant la mort des animaux venus se désaltérer et/ou dégagement d’une « bulle » de gaz toxique (H2S, CO2 ?) en provenance du fond du lac décimant toute la flore et la faune du lac et de la forêt environnante. Une sédimentation rapide, dans un milieu anaérobique permet une préservation exceptionnelle des mammifères, oiseaux et insectes : squelettes totalement articulés, contenus d’estomac, fœtus, lambeaux de peau, de fourrure, plumes d’oiseaux…voire couleurs sont conservés dans ces sédiments qui deviendront au cours des temps des schistes bitumineux.
De ce fait, Messel est un témoin incomparable (c’est même la référence mondiale) pour appréhender la vie terrestre de cette époque et comprendre l’évolution de la biodiversité au Cénozoïque. Messel fournit notamment des informations uniques sur les premières étapes de l’évolution des mammifères qui prolifèrent et s’imposent rapidement dans tous les écosystèmes terrestres du fait de la disparition des dinosaures.
Une mine exploite jusque dans les années 1970 les schistes bitumineux de l’ancien lac ; la population locale qui connaît l’existence des fossiles ne maîtrise cependant pas le processus de conservation des fossiles extraits, qui sont irrémédiablement perdus. A la fermeture de la mine, le site est appelé à devenir une décharge pour les ordures ménagères régionales.
Le combat de la population locale contre ce projet dure 20 ans. La mobilisation du monde scientifique est longue et difficile. Le projet de la décharge est finalement abandonné en 1990 et l’état fédéral allemand achète le site qui, en 1995 est classé au patrimoine de l’UNESCO eu égard, globalement, à la qualité exceptionnelle de la documentation ainsi disponible sur la faune et la flore de l’époque (étalée sur « seulement » 1 million d’années du Lutétien Inférieur) et en particulier à sa qualité exceptionnelle pour la compréhension des premières étapes de l’évolution des mammifères.
L’équipe du musée Seckenberg de Francfort en charge de l’exploitation du site procède par délitage des schistes bitumineux (à l’instar des schistes cartons du Toarcien de l’Aveyron). Les plaques où des fossiles sont repérés sont immédiatement humidifiées, enduites de glycérine et emballées en attendant leur traitement dans les laboratoires de préparation. La préparation consiste en un dégagement méticuleux du fossile sur une des faces de la plaque. Une résine synthétique est ensuite coulée sur cette face ; cette résine va assurer la consolidation du fossile et permettre son dégagement sur l’autre face de la plaque.
A l’issue de ce travail de préparation, les fossiles sont ainsi présentés dans différents lieux de la région :
– Sur le site, un hall d’exposition est aménagé dans le nouveau pavillon d’accueil du public, créé en 2010.
Aménagement remarquable : un ascenseur « virtuel » amène le visiteur à traverser les 300m de couches sédimentaires de la « grube ». Une simple plateforme belvédère permet d’avoir une vue d’ensemble du site.
– Dans le petit village de Messel, au musée Seckenberg de Francfort ainsi qu’au musée de Darmstadt, des espaces d’exposition très conséquents sont accessibles au public.
Ci-dessous quelques photos de fossiles de mammifères, poissons, reptiles, amphibiens, insectes….
Jacques Dillon – 22 décembre 2013