Annales de Grignon 1901

 

         LE CONGRES GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL

AU PARC DE GRIGNON EN 1900

Par STANISLAS MEUNIER

 

Il n’y a aucune exagération à dire que le parc de Grignon est illustre dans le monde entier, à cause de son incomparable gi­sement de fossiles, appartenant aux niveaux inférieur et moyen du Calcaire grossier. Ces vestiges, emballés dans un sable nu parfois presque farineux, se signalent à la fois par leur nom­bre immense, par leur variété infinie, par leur état si par­fait de conservation qu’on les dirait retirés de la mer actuelle. Cuvier et Brongniart, dans leur célèbre Description géologique des Environs de Paris (p. 295) mentionnent « cet étonnant amas de coquilles fossiles » et, à chaque page, ces auteurs prennent les fossiles de Grignon comme des termes de comparaison pro­pres à éclairer la Géologie de localités très diverses.

Dans ces conditions, on comprendra aisément, qu’ayant été invité, par le Comité d’organisation du Congrès international de Géologie, dont la 8e session se tenait à Paris, en 1900, à diri­ger une excursion aux environs de Paris, j’ai choisi sans hésita­tion un terrain d’études aussi exceptionnellement instructif, et que j’avais le bonheur, grâce à mes fonctions à l’Ecole, de connaitre dans tous ses détails. Ma proposition fut accueillie avec empressement et je dus me mettre en mesure de faire rendre au parc de Grignon le maximum d’enseignement qu’il est ca­pable de donner.

A cet égard, je dois rendre hommage à la bienveillance particulière du Directeur de l’école M. E. Philippar qui s’employa à faciliter ma tâche de toutes les façons et je dois aussi remercier vivement mon Répétiteur, M. Mamelle, qui n’a marchandé ni son temps ni sa science pour assurer le succès de 1’entreprise.

Celle-ci était, en effet, plus complexe qu’on ne l’aurait sup­posé tout d’abord. Il s’en faut de beaucoup que la falunière, surtout connue de tout le monde, même augmentée des deux ou trois autres excavations classiques ouvertes dans le parc, soit suffisante pour révéler dans tous ses détails la structure du sol de Grignon et il fallait tout d’abord faire des travaux systématique­ment distribués dans toutes les assises concourant à cette struc­ture. Les recherches furent d’ailleurs converties en documents graphiques et utilisées à l’établissement d’un plan en relief à l’échelle de 1/2500 et qui figura à l’Exposition universelle.

Le Directeur autorisa toutes les fouilles utiles, dont les frais furent d’ailleurs couverts par une allocation spéciale du Congrès, et nous fîmes usage de la sonde portative à des reconnaissances très multipliées dans lesquelles nous fûmes aidés par plusieurs élèves de l’École.

C’est le mercredi 22 août 1900, que l’excursion eut lieu: les excursionnistes étaient au nombre de plus de soixante-dix et ils représentaient vraiment une pléiade de géologues venant, sans rhétorique, des quatre coins de l’horizon. On le vit bien au moment du déjeuner, qui se termina par une longue série de toasts dans toutes les langues, y compris le russe et le japonais. Pour ne citer que les personnalités les plus marquantes, nous noterons,  car cette liste est honorable pour la réputation de Grignon, que l’Allemagne était représentée par le Prof. Geinitz (de Bortock, Mecklembourg), le Dr Gottsche (de Hambourg), le Prof. Felix (de Leipzig), le Dr Wittish (de Darmstadt), le Dr Wagner (de Dresde), le Dr Philippi (de Berlin), MM. Schuncke (de Dresde), Hazard (de Leipzig), Dieseldorff (de Marburg), Augermann (de Munich), Schubart (de Berlin), etc. ; l’Angleterre par M. Marc Stirrup, ancien président de la Société géologique de Manchester; l’Autriche-Hongrie par M. Ernst Kittl (de Vienne), le Dr et Prof. R. Hœrnes (de Gratz), le Dr Sieger (de Vienne), etc.; la Belgique, par M. Henry Vaës (de Louvain), M. Léon Latinis (de Seneffe); le Canada, par M. G,-F. Matthews (de Saint-John, Nouveau-Brunswick) ; les Etats-Unis, par M. H. Osborn, président de l’Académie des Sciences de New-York, le Prof. W. North Rice (de Middletown, Connecticut), le Prof. James E. Todd, (de Vermillion, South Dacotah), la France, par M. Depéret, doyen de la Faculté des Sciences (de Lyon), MM. Schlumberger, Pellat, Ch. Cloëz, A. Dollot, correspondant de Muséum, Derennes, Langlassé, Braun, BrauIt, Thomas, Dr Henry, Allorge (de Paris), Roman et Riche (de la Faculté des Sciences dc Lyon), Le Riche (de la Faculté des Sciences de Lille), etc. ; l’Italie, par M. Marco de Marchi (de Milan); le Japon, par le Dr Takudsi Ogawa et le Dr Naomasa Yamasaki, tous les deux du service im­périal géologique de Tokio; le Mexique, par le Dr Emilio Böse (de Mexico) ; la Roumanie, par le Prof. Castin Vellea (d’Iasi) ; la Russie, par M. Karakasch (de Saint-Pétersbourg), M. Agaboboff (de Bakou), M. J. Schnabel (de Varsovie); la Suisse, par le Profr Mayer-Eymar (de Zurich), etc.

Le succès de la journée aurait du reste pu être conclu du vo­lume seul des collections recueillies et emportées par les excursionnistes, et il est agréable de penser qu’à l’heure actuelle, des milliers de coquilles prises en même temps dans les gisements grignonnais, se sont dispersées dans les Musées géologiques et paléontologiques du monde entier.

Pour bien comprendre l’attrait d’une semblable promenade il faut se rappeler que le calcaire grossier fossilifère est bien loin de constituer tout le sous-sol du parc de Grignon : il ne concerne, au contraire, par son affleurement, qu’une bande étroite, au nord et au sud du domaine, ainsi qu’on peut le voir sur le Plan, où il est représenté par les horizons marqués des n° 3, 4, 5 et 6.

La plus grande partie de la surface du parc est établie sur la craie blanche du terrain sénonien (n° 1) recouverte en quelques points d’argile plastique suessonienne (n°2). Le calcaire grossier proprement dit est en outre recouvert, en bien des points, par les caillasses (n° 7) et par les limons (n° 8). Il est intéressant de dire quelques mots de chacune de ces forma­tions.

La craie blanche. – La craie sénonienne affleure dans le parc de Grignon, dans toute la région marquée du n°1 sur le plan ci-joint. Elle est recouverte sur une partie de ses affleurements par de l’argile à silex qu’il est quelquefois (surtout au N.-E. du parc) un peu difficile de distinguer nettement de l’argile sues­sonienne.

Cette craie, très blanche et très traçante, fournit des fossiles assez peu nombreux, ce qui s’explique avant tout par la rareté des excavations. J’ai fait ouvrir vers le coin S.-O. (non loin du cimetière), un trou qui permet d’en reconnaître tous les carac­tères principaux. On y remarque tout d’abord la présence de ro­gnons de silex qui souvent présentent dans la région centrale des géodes de quartz cristallisé et qui possèdent souvent une écorce blanchâtre parfois peu adhérente et essentiellement siliceuse. La silice se trouve aussi comme matière de remplis­sage de certains fossiles et, avant tout, de tests d’oursins de différentes espèces.

La craie de Grignon, soumise à l’analyse, donne environ 2 °/° de matière argileuse dont l’étude m’a procuré des résultats intéressants. On remarque, en effet, que les procédés mécaniques n’arrivent pas à séparer cette argile, qui est engagée à l’état de marne dans une vraie combinaison chimique avec le carbonate de chaux. La marne dont il s’agit est parfaitement blanche.

Au contraire, l’argile retirée de la roche par le moyen d’un acide très étendu, est très foncée en couleur et ce n’est pas sans étonnement qu’on l’en extrait les premières fois. Sa composition est extrêmement voisine de celle de maintes variétés d’argile plastique, dont elle diffère surtout par sa fusibilité qui, sans être facile (loin de là), n’est cependant pas nulle. Chauffée au rouge blanc pendant quelque temps, cette argile prend un aspect bulleux et scoriacé tout à fait spécial. Cette différence pa­raît se rattacher à une teneur en eau, supérieure à celle de l’ar­gile plastique et qui tient peut-être elle-même au mode d’extraction du produit, qui est bien plus rapide que par l’action de l’eau chargée d’acide carbonique, seule intervenue dans la nature.

Examinée au microscope, la craie de Grignon donne un grand nombre de vestiges de foraminifères sur lesquels il n’y a pas lieu de s’arrêter, car ils coïncident avec ceux qui caractérisent le niveau d’où elle provient. Comme fossiles plus volumineux, on citera: Ananchytes gibba, Echinoconus conica, Micraster coranqui­num (rare), Belemnitellaquadrata, Inoceramus Cuvieri (en fragments épais et généralement peu larges), Ostrea  vesicularis, Janira quinquecostata, Terebratula cornea, etc. La plupart de ces fossiles nous ont été procurés par un puits ouvert il y a quelques années, près du château, pour l’installation du paratonnerre.

L’examen de ces fossiles, étudiés au point de vue chimique, a fourni quelques résultats qu’il semble indiqué de résumer ici. Si on examine un oursin de la craie de Grignon, retiré du sein de la roche (et non point de l’argile à  silex où il s’est dé­térioré), on reconnaît que son test, même quand il est rempli de silex, même quand il est complètement empâté dans un ro­gnon siliceux, est resté tout à fait calcaire. Si on attaque un de ces tests calcaires, préalablement bien nettoyé au moyen d’acide chlorhydrique étendu on constate qu’il renferme de très nombreuses concrétions siliceuses et quartzeuses quelque­fois disposées très symétriquement d’après la structure anatomique du fossile. En particulier, les pores ambulacraires sont situés symétriquement par rapport à ces concrétions. Celles-ci consistent en différents minéraux siliceux, opale à diverses te­neurs d’eau et cristal de roche souvent très bien cristallisé, orbi­cules à couches concentriques, de diverses grosseurs. Tous ces corps se signalent par leur grande friabilité, de sorte que si, par suite de la circulation des eaux, le sol subit les tassements même faibles, qui sont consécutifs à la dénudation souterraine, ils se désagrègent et abandonnent dans la craie des grains quartzeux ou siliceux, qui doivent donner, à qui les rencontre inopinément, l’idée d’éléments sableux. Leur interprétation a conduit parfois à regarder la craie comme un produit terrigène contrastant avec les fonds crayeux des abîmes sous-marins actuels, Mais on voit que leur genèse, mieux connue, ne suppose rien de pareil et témoigne seulement de l’activité avec laquelle des minéraux prennent naissance progressivement dans l’épaisseur des couches du sol.

Il ne faut pas oublier que ce sable peut entrer pour une part importante dans la composition des argiles à silex et passer de là dans des formations plus récentes dont l’histoire a parfois été incomprise.

L’argile plastique. – Le terrain tertiaire commence à Grignon par des dépôts argileux qui doivent évidemment être synchro­nisés avec l’argile plastique de Vaugirard et rapportés par conséquence au terrain suessonien d’Alcide d’Orbigny. Probablement à une certaine époque, ce terrain a recouvert la craie dans toute l’étendue du domaine. Mais les progrès de la dénudation sub­aérienne en creusant la vallée de Ru de Gally, l’ont fait disparaître sur une surface relativement très grande où nous avons représenté la craie à découvert. Sur les deux flancs du vallon, l’argile af­fleure, avec des caractères d’ailleurs assez variés et souvent avec une limite un peu indécise à cause du passage horizontal à l’ar­gile à silex : ceci est ainsi surtout dans la région N. et spéciale­ment dans l’ouest de cette région.

Dans la plupart des points, l’argile plastique, mélangée plus ou moins à des dépôts superficiels et ordinairement très mince, est jaunâtre, comme à la suite d’une rubéfaction exercée par les eaux d’infiltration. Du côté de la Défonce (versant N.), sous plus de deux mètres de calcaire grossier, elle conserve cette ap­parence et nulle part nous ne l’avons rencontrée avec l’aspect classique qu’elle affecte plus près de Paris ou du côté de Dreux.

Dans le coin S.-O. du parc, le terrain suessonnien, c’est-à-dire les masses comprises entre la craie et la glauconie supérieure, se présentent avec des caractères extrêmement spéciaux que j’ai étudiés avec le plus grand soin et qui méritent de nous arrêter un moment. Des excavations que j’ai fait ouvrir en cette région montrent que l’argile plastique y fait complètement défaut; elle y est représentée par des formations toutes différentes.

Ce sont d’abord des sables noirs, qui constituent une forma­tion des plus remarquables, nettement suessonienne puisqu’elle est comprise entre la craie et la glauconie supérieure. Les exca­vations montrent son contact inférieur avec la craie et son con­tact supérieur sur lequel nous reviendrons dans un instant. Ces sables se présentent sur plusieurs mètres d’épaisseur et prenn­ent des caractères tout à fait exceptionnels que j’ai signalés dès 1882. (Excursion géologique à travers la France, p. 186.)

Il est tout indiqué de les rapprocher des sables granitiques qui, de leur côté, ont été si singulièrement interprétés par divers auteurs. Mais il faut ajouter qu’ils ne s’accommodent pas de la définition qui, d’ordinaire, a été donnée de ces sables. Leur compo­sition est analogue, car ils sont formés avant tout de grains de quartz de granit parfaitement purs, à peine roulés, riches en in­clusions de différents genres, associées à des paillettes de mica noir, à des petits éclats de silex noir et à une matière argileuse grisâtre qu’on peut séparer par lavage et qui a tous les caractè­res du kaolin.

Mais ces sables, loin d’être superposés aux meulières de Beauce, comme le sont les « sables granitiques», sont situés au-dessous de la glauconie supérieure; loin d’être dépourvus de stratification, ils sont en lits parfaitement réglés, affectant souvent la disposition en lentilles, en chevrons et en épis qui est caractéristique des dépôts en eau courante; enfin, loin d’être ab­solument privés de calcaire, ils en donnent à l’analyse 10°/° et davantage.

Ces sables paraissent cantonnés exclusivement dans la région de Grignon et on doit se demander s’ils ne sont pas associés, quant à leur origine, aux sables kaoliniques de la Maladrerie de Montainville. Il faudrait alors supposer que les phénomènes d’alluvionnement vertical, dont ceux-ci sont le résultat, à l’époque miocène, avaient déjà eu lieu à l’époque suessonienne, car par en haut et comme le montrent nos coupes avec la plus grande netteté, ils sont associés intimement à la glauconie su­périeure.

Où les voit en effet se mélanger et se recouvrir de galets de craie tout pareils à ceux que l’on peut ramasser actuellement sur les plages de la Haute Normandie et de la Picardie où ils sont d’ailleurs rares, étant très fragiles par suite de leur facile désagrégation et qui sont accumulés en certains points, non seulement dans le parc, mais encore dans une vieille carrière sur le territoire de Thiverval avec une abondance remarquable. Entre ces galets, la glauconie supérieure bien reconnaissable, renferme ses fossiles les plus ordinairement caractéristiques et avant tout: Crassatella tumida, Cardita planicosta, Turbinolia elliptica, etc.

Calcaire glauconifère (Glauconie supérieure). – Le calcaire glau­conifère à Cardita planicosta doit se trouver partout sur l’argile plastique constituant la base du calcaire grossier. On en voit nettement une portion dans le fond de la grande carrière dite falunière toutes les fois qu’on traverse le banc qui renferme des fragments parfois très considérables de Ceritthium giganteum dont le niveau peut être choisi dans la localité comme limite supérieure de la formation qui nous occupe; le calcaire grossier inférieur se soudant ici de la façon la plus intime à la glauconie supérieure.

Parmi les coquilles les plus caractéristiques de cette glau­conie supérieure nous mentionnerons, outre la Cardita et la Cras­satella déjà citées: Ringicula ringins, Ancillaria buccinoides, Ano­mia tenuistria, Arca triangula, Bulla cylindrica, Bifrontia serrata, Buccinum stromboïdes, Cerithium clavus, Cassidaria clavellata, Corbula gallica, Cardium hybridum, Crassatella lamellosa, Cyprœa sulcosa, Cyprœa acnminata, Cytherea nitidula, Delphinula margi­nata, Fusus longevus, Fusus bulbiformis, Fissurella squamosa, Mactra semisulcata, Melania costellata, Munx tubifer, Natica sigare­tina. Nautilus, Nucula margaritacea, Ostrea flabellula, Pecten solea, Parmophorus elongatus, Pleurotoma clavicularis, Rostellaria fissurella, Solen vagina, Xenophora agglutinans, Turritella imbriicataria, Terebellutm fusiforme, Triton viperium, Voluta musicalis, etc.

Il s’en faut de beaucoup que nous ayons retrouvé ce niveau partout où il semble devoir se présenter. Il manque sur 1a plus grande partie du versant nord et la terre végétale rencontre côte à côte l’argile plastique et le calcaire à Orbitolites (n° 4) Dès qu’on creuse celui-ci on retrouve, d’ailleurs, notre forma­tion mais à une profondeur de 2 mètres ou davantage suivant les points. Nous avons cependant figuré le dépôt à la hase de la Côte-aux-Buis et nous l’avons reconnue à la surface. Un point symétrique est sur le versanCt sud. La falunière appartient réel­lement à ce même calcaire à Orbitolites et ne montre les couches à Cardita planicosta qu’à plusieurs mètres sous le sol, nous l’avons retrouvé au Trou Blanc où il est favorable à de très abondantes récoltes.

Nulle part on ne voit de limites nettes, dans l’enceinte du parc entre la glauconie supérieure et le niveau extrêmement mince, où sont entassés les vestiges du Cerithium giganteum avec Cardium hipopœum; nulle part nous n’avons recueilli de Nummulites lœvigata et dès lors il nous a paru commode de supprimer ici la division, indispensable ailleurs, du Calcaire grossier inférieur (pierre à liards, pierre de Saint-Leu, banc à verrins.)

Calcaire à Orbitolites complanata (Banc royal.) – Nous séparons ce niveau qui est le plus facilement visible à Grignon et dans lequel la falunière est ouverte dans la plus grande partie de sa hauteur. Il débute par un banc rempli de Pectunculus pulvinatus qu’on peut aussi bien regarder comme terminant la formation précédente. La couche est pétrie d’une innombrable quantité de millioles et d’autres foraminifères (Biloculina, etc.)

C’est l’ensemble des couches désignées souvent sous les noms de lambourde et de vergelé auxquelles s’ajoutent des lits qui représentent plus ou moins (car l’identification prête à la discussion) le Banc royal des environs immédiats de Paris. On y recueille une faune très abondante comprenant entre beaucoup d’autres espèces, les Fusus noë, Terebellum convolutum, Hemicardium avicu­lare, Cardium porulorum, Mesalia abreviata, Dentalium eburneum, Calyptrœa trochiformis, Cytherœa semisulcata, etc. Un lit est remarquable par l’abondance d’empreintes végétales, apparte­nant surtout à des naïadées, comme la tranchée de la route de la Maugère en a procuré de nombreux échantillons, mais comprenant aussi des formes terrestres (palmiers, etc.).

Enfin c’est avec une constance digne de mention que se pré­sente un niveau de rognons siliceux dans lequel des mollusques et d’autres fossiles ont été convertis en agate. J’ai retrouvé cet horizon dans un puits tout récemment ouvert à la Côte-au­-Buis, à 6 mètres au-dessous de la surface du sol. Les silex y présentent d’ailleurs un trait spécial, étant altérés et souvent complètement épuisés de façon à ne présenter plus qu’une den­sité très faible. Il est manifeste qu’ils ont été énergiquement décalcifiés à une époque très postérieure à celle du dépôt de la couche dont ils font partie et dans lesquelles ils étaient concrétionnés peu à peu. Les coupes minces taillées dans ces silex y révèlent une quantité extraordinaire de tests de diato­mées dont la présence est très éloquente, quant à la cause déter­minante même des concrétions siliceuses; ils constituent à ce titre des spécimens tout spécialement intéressants.

Calcaire à Ccrithinm calcitrapoides (Banc vert). – Sous ce nom, nous réunirons ici la portion supérieure du calcaire grossier, admettant en plusieurs points du parc de Grignon un lit de cal­caire assez mince, sableux, absolument rempli de fossiles carac­téristiques. On peut l’étudier soit dans la tranchée de la route de la Maugère, soit dans le trou que j’ai fait ouvrir à la Côte-au-Buis.

 Les assises intéressées correspondent sensiblement au « Banc vert » des carriers parisiens, et ce qui en fait la particularité dominante, c’est l’association à des niveaux marins de lits sau­mâtres ou lacustres que signale d’une façon intéressante le Cyclostoma mumia. Il est en certains points remarquablement fréquent.

Parmi les autres formes spéciales, je mentionnerai Mesalia fasciata, Cerithinm angulosum, C. intcrrnptum, C. serratnm, C. cinctum.

 Calcaire à Lucina saxorum (Banc-franc, caillasses, coquillères). – C’est encore à la Côte-aux-Buis qu’on est le mieux placé pour étuudier cette intéressante formation qui se présente ici en pe­tites plaquettes plus ou moins cohérentes, alternant avec des marnes très inégalement argileuses. Les coquilles fossiles y sont très nombreuses; outre le Lncina saxorum qui couvre des dalles entières, il y a une profusion de Ccrithium lapidum de deux variétés bien distinctes, l’une ayant les tours lisses, tandis que chez l’autre, ils offrent de petites costules. Le Natica parisiensis (appelé aussi Studeri) est ici particulièrement commun.

 Caillasses à quartz cristallisé. – En quelques points, on a pu apercevoir dans le parc de Grignon la formation des caillasses à quartz cristallisé et constater en même temps qu’elle est fort peu développée, se présentant à l’état de lambeaux que la dé­nudation pluviaire a fortement compromis. On y a vu des marnes renfermant les rognons à retrait géodique qui sont si caractéristiques de ce niveau et on a pu les comparer aux produits d’une petite carrière qui existait il y a quelques années sur le plateau, entre l’École et la gare du chemin de fer. Il n’y a aucun doute sur l’identification de ces couches. Le Congrès n’a d’ailleurs pu en apercevoir que des vestiges.

Limons des plateaux. – Enfin, les points les plus élevés sur le flanc sud de la vallée du Ru de Gally montrent sous la terre végétal des limons de plateaux assez argileux. Il se lie par des pas­sages insensibles au limon qui recouvre les versants où il est très mince et le fond où il est plus épais. Son examen n’a rien procuré de particulier.

Ces quelques mots suffiront pour montrer que l’empressement des membres du Congrès de géologie, à visiter Grignon, a été bien justifié par l’importance des récoltes et des observations qu’ils y ont faites. Tout le monde est parti satisfait et la renommé du célèbre gisement en a été consolidée et accrue.

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