"Avec son flambeau, il (Hamilcar) alluma une lampe de mineur fixée au bonnet de l'idole; des feux verts, jaunes, bleus, violets, couleur de vin, couleur de sang, tout à coup , illuminèrent la salle. Elle était pleine de pierreries qui se trouvaient dans des calebasses d'or accrochées comme des lampadaires aux lames d'airain, ou dans leurs blocs natifs rangés au bas du mur. C’étaient des callaïs arrachées des montagnes à coups de fronde, des escarboucles formées par l’urine des lynx, des glossopètres tombés de la lune, des tyanos, des diamants, des sandastrum, des béryls, avec les trois espèces de rubis, les quatre espèces de saphir et les douze espèces d’émeraudes. Elles fulguraient, pareilles à des éclaboussures de lait, à des glaçons bleus, à de la poussière d’argent, et jetaient leur lumière en nappes, en rayons, en étoiles. Les céraunies engendrées par le tonnerre étincelaient près des calcédoines qui guérissent des poisons. Il y avait des topazes du Mont Zabarca pour prévenir les terreurs, des opales de Bactriane qui empêchent les avortements et des cornes d’Ammon que l’on place sous les lits afin d’avoir des songes." Gustave Flaubert, Salambô (1862)
SOMMAIRE
** L'œuf de serpent (ovum anguinum) ** Les pierres étoilées ** Les cornes d'Amon ** Les snakestone ** Les bufonites ** Les glossopètres **
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L’œuf de serpent (ovum anguinum)
Cette tradition de la quête de l’œuf de serpent est relatée par Pline l’Ancien, dans de Natura Rerum (l’Histoire Naturelle) aux paragraphes 52 à 54 du Livre IX :
"Il est une espèce d'œuf, oubliée par les Grecs, mais en grand renom dans les Gaules : en été, des serpents innombrables se rassemblent, enlacés et collés les uns aux autres par la bave et l'écume de leur corps ; cela s'appelle œuf de serpent. Les druides disent que cet œuf est projeté en l'air par les sifflements des reptiles et qu'il faut le recevoir dans une saie avant qu'il touche la terre. J'ai vu cet œuf : il est de la grosseur d'une pomme ronde moyenne et la coque en est cartilagineuse, avec de nombreuses cupules, comme celles des bras des poulpes. Il est célèbre chez les druides…"
Ces œufs sont en fait des oursins fossiles. Au pouvoir magique, ils semblent être équivalents à l’œuf cosmique qui, dans de nombreuses civilisations, symbolise la création du monde ou évoque le Saint Graal du XIIe siècle.
Des oursins fossiles ont été découverts dans des tertres celtiques à usages sacrificiels en Saintonge, en Bourgogne. Cf. Dictionnaire des symboles (Bouquins, 1996). De nos jours le nom d’espèce Cor-anginum (LESKE, 1778) est attribué à un Micraster du Crétacé supérieur (en abondance et marqueur de l’étage Sénonien dans la craie blanche de Meudon-92).
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Les pierres étoilées
Ces petits éléments (encrines) qui superposés forment un entroque constituant la structure de la tige des crinoïdes (échinodermes). Ces « pierres étoilées » ont longtemps intrigué : vertèbres de poisson, coraux, étoiles de mer, plantes marines ou objets tombés du ciel ? Une légende lorraine rappelle que sur la colline de Sion (54), la Vierge saisit dans le ciel une poignée d’étoiles que la nuit tombante venait d’allumer, et les jeta dans les yeux du cavalier et de sa monture qui, aveuglée, se cabra et fit demi-tour.
Anecdote personnelle : Dans les années 1955/60, on pouvait trouver ces pierres étoilées dans la poussière du chemin qui montait à la colline de Sion, vers la basilique consacrée à la Vierge, haut lieu de pèlerinage, chère à Maurice Barrès. A chaque visite, je remplissais mes poches de ces pierres étoilées que mes parents me disaient ‘être tombées du ciel’.
C’est Jean-Etienne Guettard (élève de Réaumur et Jussieu) qui en 1755 dans une étude ‘les encrinites et les pierres étoilées’ rapproche ces fossiles des lys de mer.
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Les cornes d’Amon (Egypte) ou d’Ammon (Grèce)
Les fossiles d‘ammonites ne ressemblant à aucune créature terrestre ou marine ont longtemps intrigué et autorisé nombre d’interprétations.
Le nom des ammonites est lié à la forme spiralée de leurs coquilles fossilisées qui évoquait pour les anciens les cornes de béliers. Pline l’Ancien a évoqué les cornes d’Ammon (ammonis cornua) à leur propos parce que le dieu égyptien Amon ou le grec Zeus-Ammon était généralement figuré tantôt avec une tête de bélier, tantôt avec un visage humain. C’est aussi pourquoi le nom de genre des ammonites se termine souvent en « ceras », du grec κέρας, la corne.
"La corne d'Hammon est une des gemmes les plus révérées de l'Éthiopie ; de couleur d'or, représentant une corne de bélier, on assure qu'elle procure des rêves prophétiques." Pline l'Ancien (livre 37- §60).
"La corne d’Ammon est faicte à la mode d’une corne de bélier respliée en soy et semble quelquefois estre couverte d’une armure d’or." Bernard Palissy
C’est Jean-Guillaume Brugière (1750-1799) qui introduit pour la première fois le terme ammonite pour un « Genre de la famille des vers testacées qui a pour caractère une coquille discoïde, dont la cavité est coupée par des cloisons sinueuses, presque articulées, et percées par un syphon, qui le continue jusqu’au sommet de la spire ». Brugière in « l’Encyclopédie méthodique, l’histoire naturelle des vers » (1792).
Photo de gauche : Amon – Musée du Louvre
Photo de droite : Ammon-Zeus – provenance Nettuno en Italie
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Les snakestone et la légende de Ste Hilda
Les ammonites ont été souvent interprétées comme des serpents enroulés sur eux-mêmes et pétrifiés.
« [Dans une pierre] provenant d’une montagne de Suisse apparait l’image d’un serpent enroulé en spirale, de telle sorte que sa tête se dresse sur la circonférence, et que l’extrémité de la queue se situe au centre ». Conrad Gesner – « de rerum fossilium, lapidum et gemmarum« (1565).
« Des pierres qui ressemblent à des serpents » : Une légende anglaise rapporte que Ste Hilda voulant établir une abbaye à Whitby sur un terrain infesté de serpents leur fit perdre la tête et les changea en pierres ce qui explique la prolifération dans le sol de cette zone de ‘snakestones’. En référence à cette légende le nom d’Hildoceras a été donné à un genre d’ammonite spécifique du Toarcien par Alpheus Hyatt, paléontologue américain (1838-1902).
Tout un commerce s’est établi à partir de cette croyance qui donna lieu à des ‘aménagements’ d’ammonite par ajout ou sculpture d’une tête de serpent.
<< Snakestone à partir d’une Hildoceras bifrons* (Bruguière 1789) – Yorkshire – Natural History Museum
>> Snakestone à partir d’une Dactylioceras commune – Yorkshire – Photo James St. John, Flickr
*Ammonite à double face ou suivant la nomenclature binominale linnéenne « Ammonites bifrons » (tel Janus…bifrons ‘à deux visages’, qualificatif appliqué à Janus, dieu tutélaire des romains) est proposé par Guillaume Bruguière en 1792 dans « l’histoire naturelle des vers ». Le genre Hildoceras est créé par Hyatt en 1867 : Ammonites bifrons devient Hildoceras bifrons. En 1889 Sydney Buckman définit Hildoceras bifrons comme espèce type du genre Hildoceras.
Hildoceras bifrons est une coquille serpentiforme, à enroulement très évolute et à tours circulaires très peu recouvrant. « L’abdomen porte une carène saillante, ornée en long, de chaque côté, d’un sillon profond, occupant le tiers interne de la largeur des tours ». Alcide d’Orbigny, ‘Paléontologie française‘.
« Mais quel dieu es-tu, Janus à double forme ? Comment le dirai-je ?
En effet la Grèce n’a aucune divinité qui te ressemble.
Dévoile aussi la raison : pourquoi seul des immortels,
tu vois en même temps ce qui est dans ton dos et ce qui est devant toi. » Ovide, Fastes, Livre I, vers 89-92 (trad. A.C).
Dans la cathédrale de Bayeux (14), au dessus de la porte menant à la tour Nord, on trouve une inscription datant de 1491 en référence à Bartole Danjou (Bartholus) nommé chanoine en 1482 :
« Credite mira Dei, serpens fuit hic lapis extans, Sic transformatum Bartholus attulit huc. » « Croyez aux miracles de Dieu, cette pierre fut un serpent vivant, Bartholus l’apporta ici, ainsi transformée ».
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Les bufonites
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Les glossopètres
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